Nous y voilà, 12h15, gare de Moscou Kazanskaya 3, nous avons quasiment une heure d'avance. Le train en direction de Ulan Ude est déjà là, et nous sommes nombreux à attendre l'ouverture des portes. Après un contrôle méticuleux de nos billets et de nos passeports, nous prenons place à bord du wagon 17. Le "samovar", un des hommes de bord nous fournit des draps, une taie d'oreiller et une petite serviette de toilette emballés dans un paquetage. Quand nous avons parlé mercredi soir à la table moscovite francophone à Axana, Nikita et Alina de notre intention de prendre le transsibérien en 3ème classe dite "Platzkart" pour rejoindre Pékin, ils nous ont regardé les yeux ronds écarquillés, en se disant, "ils sont complètement fous. Il n'y a que les français pour vouloir tenter cette expérience longue, inconfortable et sans intérêt!"
En effet, qui rêve de voyager 40h en train couchettes par wagon de 54 personnes? Et bien, même, si pour nous c'est encore une expérience mythique que de prendre le transsiberien, pour les russes c'est uniquement un moyen d'aller d'un point A à un point B! Pour nous, c'est avant tout l'occasion une fois de plus de rencontrer et de partager nos vies avec des inconnus dans le folklore russe tout en découvrant des contrées lointaines , comme l'île d'Okhlon en Sibérie ou les steppes de Mongolie.Notre premier vrai stop intéressant doit se faire à Irkutsk, soit 82h de train, on a donc préféré découper le trajet en deux avec un stop à Omsk même si cette ville n'est pas trépidante de vie, on aura de 9h pour se dégourdir les jambes puis rencontrer de nouveaux compagnons de route sur la 2ème partie du voyage.
Le transsibérien ce n'est pas comme on pourrait le croire juste un seul et unique train. C'est plutôt une ligne de chemin de fer qui traverse de nombreuses gares ( 950 au total ) sur 10 000 km. Et il faut souvent changer de train pour arriver à destination finale. Il existe en fait 4 lignes : le transsibérien, le transmongolien, le transmandchourien et la ligne Baïkal-Amour. La ligne existe depuis 1900 et à l'époque tsariste, une voiture-église était parfois attelée!!
Je pense clairement que nous avons hérité des pires places qu'il puisse exister dans ce wagon! On n'a pas eu notre mot à dire sur le choix des places à la gare, la mistinguette du guichet ne parlant pas un mot d'anglais, on s'est contentés de prendre nos billets. Pourtant j'avais bien lu l'article de nos amis blogueurs "l'Eusses tu cru", qui disait quelles places éviter. Bref... Nous sommes sur les couchettes supérieures, ce qui est quand même bien pratique, car il est impossible de tenir assis à cette place, sauf si tu fais moins d'1m40! Il faut donc que ton voisin du dessous accepte de partager sa banquette. De plus, nous sommes aux places 34/36, c'est à dire celles à côté des toilettes, et là, je vous épargne les allés venues incessantes et les claquements de portes à répétition! En dessous de moi, se trouve une dame avec son fils, qui ne tient pas en place! Une petite tête blonde hyperactive! Tout le monde a déjà enlevé ses chaussures et mis ses petites claquettes ou tongs. Et pour couronner le tout, les wagons sont surchauffés à 28 degrés! Histoire de diffuser la bonne odeur et que l'on cuise tous sur place! Chacun se met donc à son aise! Je n'ose imaginer l'odeur d'ici quelques heures entre les toilettes, les pieds et la transpiration, mon cœur balance... À 13h10 au départ du train, certains sont déjà même en pyjama, près à affronter les longues heures qui nous attendent.
A bord, le service est agréable, deux hommes de cabine se relayent pour nous proposer régulièrement à manger ( et entretenir le wagon : les sols et les toilettes ). Bon,ce n'est pas le bar du TGV mais vous avez des nouilles chinoises déshydratées, des biscuits sucrés salés, des barres chocolatées, des boissons non alcoolisées! De l'eau bouillante entre et 80 et 100 degrés est à disposition en permanence également en tête de wagon.
On peut aussi acheter des tasses en verre avec un socle en fer ou des pantoufles à l'effigie du train. Pour ceux et celles qui nous connaissent "des caminos", on a repris nos bonnes vieilles habitudes : notre casserole et notre bombone de gaz pour se faire des vraies pâtes, nos boîtes de sardines et de maquereaux! Manque juste le saucisson! Mais, on a le magret de canard séché du Gers, que l'on va attaquer dès ce soir, car ça fait un bon mois qu'il voyage celui là!! De Tarbes à Moscou en passant par le Sri Lanka, il en aura vu du pays!
A chaque arrêt, le nom de la gare est imprononçable, ça donne ça en écriture cyrillique Локомотивное Депо! Des vendeurs de verres, d'assiettes, de lustres même, se présentent aux portes du train espérant trouver des amateurs. C'est peut être une ville réputée pour sa cristallerie? Peut être à chaque arrêt, on découvrira l'artisanat local ou la boisson ...
Je croise la chef de train, une grosse dame russe de la cinquantaine, bien typique comme on peut l'imaginer! Je lui montre le tableau d'affichage des 28 degrés, je baisse mon pouce pour lui montrer qu'il faut diminuer la température. Elle me marmonne quelques mots en russe et me montre la fenêtre! Elle est mignonne, les fenêtres ne s'ouvrent pas ma cocotte! Elle doit le savoir! Elle voit bien que tout le monde suffoque! Le gosse est même en calbute, et les adultes s'y mettent! On enlève le haut ou le bas! Ambiance décontractée!
A 19h30, le couple en couloir s'en va déjà, ça nous laisse 2 places assises pour s'asseoir sans gêner les autres qui ont déjà comme tout le monde installés leur matelas et leurs draps pour la nuit. Pas de vendeurs de verres ou autres cette fois ci! On va pouvoir manger sur une vraie table à trois! Bah oui, on s'est déjà fait un pote : Thomas, 4 ans avec son pistolet et son sabre laser!!
Je galère avec mes bols d'eau bouillante, le "samovar" lui aussi en pyjama me vient en aide, il me ramène un grand saladier, je ne dois pas traverser tout le wagon en risquant de m'ébouillanter et d'asperger les pieds qui dépassent des banquettes sur mon passage. Ah oui, si tu fais plus d'1m75, t'es aussi en galère! On partage notre repas bien évidemment! Il est fan des terrines de pâtés françaises et on apprécie aussi les œufs cuits durs mollet de sa maman! Et surtout les bonbons au caramel fourrés au lait concentré sucré!
On a du remonté le temps dans la nuit, car quand je me réveille à 3h23, il fait déjà jour et froid ( 20 degrés dans la cabine ); oui je sais c'est précis! Mais je suis installée juste en face de l'horloge. En fait, le train reste à l'heure de Moscou, mais il est en réalité 3h de plus. La Russie est si grande qu'elle est soumise à différents fuseaux horaires, donc pour plus de facilité tous les trains sont à l'heure de Moscou et l'affichage dans le train idem. On a donc laisser l'iPhone à l'heure de Moscou et l'iPad a l'heure de Osmk, mais j'avoue c'est un peu déroutant au début!
Je décide de partir à l'aventure dans le train, à la recherche d'une potentielle douche! Dans le wagon 16, on dirait comme une colonie de vacances car il n'y a que des ados de 16/18 ans! Et ça fouette grave un mélange de vinasse, de bière et de vodka! Tout le monde puance; et dans le wagon 18, ça dort également normal à 4h du mat tu vas me dire. Je remonte le 19, 20, 21, en espérant arriver en 2nde ou 1ère classe et trouver une douche, mais niet, rien, nada!
Je regarde le beau paysage par la fenêtre, histoire de passer un peu le temps, sans réveiller tout le monde, toujours pareil depuis notre arrivée en terre russe : des bouleaux. On alterne : petits villages de maisons en bois colorées au toit de taule, no man's land à perte de vue, puis encore et toujours des bouleaux!! Il y a quand même une variante très intéressante entre les jeunes bouleaux, les vieux bouleaux; et en avançant nous avons nos premiers pins, puis enfin les mélèzes de Sibérie!
Nouvel arrêt, le soleil brille! On a perdu encore un voisin en route. A noter quand même, que les "samovar" te préviennent quand tu dois descendre, ils ont un listing avec les arrêts de chaque passager! C'est plutôt pas mal, car avec le décalage horaire, y a de quoi se planter, et en plus les gares ne sont pas annoncées! Bon du coup, il y a 3 banquettes de libres!! Une heure plus tard, Thomas et sa maman nous quittent! Nous sommes comme 2 cons dans nos 6 banquettes! Le temps va passer beaucoup moins vite! Heureusement, j'ai un bon polar mongol dont l'intrigue se joue à Oulan Bator, histoire de me mettre dans l'ambiance. JC va lui attaquer le montage vidéo du Sri Lanka, ça va l'occuper une bonne partie de la journée.
40h de voyage déjà! A Omsk, il est 05h38 du matin heure moscovite, 8h38 heure locale! On a très peu dormi de la nuit, entre les allés venues et la ***** de porte des toilettes que les russes claquent a tout bout de chant!! On est un peu dezingués par le rythme et le décalage horaire. On dépose notre barda au sous sol de la gare pour 150 roubles chacun et direction le centre ville. On a 9h pour se dégourdir les jambes, respirer le bon air frais et admirer la belle église d'Omsk. Concrètement cette ville est sans intérêt! On en profiter pour envoyer des bricoles par la poste ( les matrioshka, poupées russes ; JC a craqué, c'est pour les mettre dans notre future maison un jour, a t'il dit...), on écrit nos cartes postales, on profite de la wifi du centre commercial pour avancer dans nos chinoiseries.
14h55 heure moscovite / 17h55 heure locale, on repart!! Je m'y perds franchement dans les horaires! Même à l'entrée de la gare de Omsk, c'est l'heure moscovite d'affichée! Faut s'y faire!
Nous sommes installés cette fois en couchette inférieure 29/31, en avant dernière place avant les toilettes. Gros avantage, nous avons une prise électrique, ça c'est vraiment top, on va pouvoir recharger nos appareils et se mater la saison 1 de "Game of Thrones" ( merci Garab!! )! Le train semble plus vieux et surtout plus crasseux. Les "samovar" sont deux femmes et ce ne sont pas des as du nettoyage! Je désinfecte notre table dégueulasse avant de poser notre attirail de dînette, au menu ce soir : pâtes et truite saumonée fumée achetée sur le quai de la gare lors d'un de nos arrêts! On arrive aussi à choper des bières fraîches, forcément il fait 6 degrés dehors, achetées aux femmes sur le quai, c'est interdit de vendre de l'alcool sur la voie comme dans le train, donc elles les planquent dans des gros cabas, mais tout le monde est au courant de ce business! La soirée promet d'être bonne, nous sommes à deux, dans notre compartiment pour 6! On se fait un plateau repas pâtes à la truite saumonée avec notre bonne bière et on enchaine les épisodes de "Games of Thrones", dès le deuxième épisode, nous sommes pris en haleine!! On se couche à 1h du mat heure locale mais 21h moscovite, du coup quand on se réveille, il est 13h heure locale! Va falloir qu'on change notre rythme, sinon on va pas tenir!
Nouvel arrêt de 45min! On va se dégourdir les jambes au alentours de la gare, en pyjama-doudoune-tongs, on a la classe... Ou pas! On se fait inviter à poser aux répétitions du défilé 9 mai devant une locomotive d'époque! Ah les fransozen!!
Étant donné que nous avons la seule prise du wagon; nous voyons défiler tout le wagon pour recharger les batteries! Tout le monde nous confie son matos et nous ramène des gâteaux, bonbons, du thé, du sucre même en guise de remerciement!!
On échange quelques mots, on fait des rébus pour se comprendre et on joue au langage des signes! Pas évident mais on arrive à se comprendre! Nos 42h passent relativement vite en fait! Nous arrivons à Irkustk à 12h55 heure locale après 82h de transsibérien, soit 91h de voyage au total depuis Moscou! Pour ceux qui n'aurait pas envie de vivre l'expérience mythique de la 3ème classe du transsibérien, il y a une ligne Moscou / Irkustk en 6h de vol, pour le même prix!
Super le transsibérien, c'est un trois étoiles sur roue lol!!! Gros bisous.
RépondreSupprimerQuelques contrariétés, mais quelle aventure ce transsibérien, définitivement quelque chose à vivre!
RépondreSupprimer